Cette page présente les trajectoires générales des photons autour d’un trou noir de Kerr, à partir de l’analyse des racines du potentiel radial effectif \(V_r\) — un polynôme du 4ᵉ degré en \(r\), coordonnée radiale du photon. Selon les valeurs des constantes du mouvement, ce potentiel peut comporter jusqu’à quatre racines réelles positives ou nulles, définissant les différents types de trajectoires des photons : déviation, orbite à rayon constant ou absorption par le trou noir, avec possibilité de passage vers une autre région de l’espace-temps. Différentes courbes de \(V_r\) sont analysées et une table descriptive résume l’ensemble des comportements possibles. Le cas de l’objet de Kerr rapide (sur-critique) est également traité.
Contents
INTRODUCTION
Le comportement de la coordonnée radiale \(r\) du photon est décrit par le potentiel radial effectif qui s’écrit : \(\frac{c^2}{\varepsilon^2}V_r=r^4+\left(a^2-c^2\frac{l_z^2}{\varepsilon^2}-c^2\frac{Q}{\varepsilon^2}\right)r^2+2m\left(\left(a-c\frac{l_z}{\varepsilon}\right)^2+c^2\frac{Q}{\varepsilon^2}\right)r-a^2c^2\frac{Q}{\varepsilon^2}\)
et qui doit être positif ou nul tout au long de la trajectoire du photon (se reporter à l’étude symétrie axiale pour les définitions des termes).
Suivant les valeurs de \(a\), \(l_z\) et \(Q\), ce polynôme du 4ème degré admet 0, 1 ou plusieurs racines réelles positives ou nulles, qui peuvent être simple, double, triple ou quadruple.
POTENTIEL EFFECTIF RADIAL – Trou noir de Kerr
Le cas le plus commun pour le potentiel effectif radial \(V_r\) est une racine simple positive supérieure à \(r_h\) (coordonnée radiale de l’horizon des évènements), qui provoque par répulsivité une déviation simple du photon : quand la coordonnée radiale d’un photon entrant depuis \(+\infty\) atteint cette valeur, le photon « rebondit » (changement du signe de variation de \(r\)) et sort vers \(+\infty\).
Les autres cas sont liés à la multiplicité des racines :
– une racine double positive non nulle correspond à l’annulation de \(\frac{dVr}{dr}\) : quand la coordonnée radiale d’un photon atteint cette valeur, le photon rejoint une orbite de coordonnée \(r_c\) égale à la valeur de la racine double,
– une racine triple positive non nulle correspond à l’annulation de \(\frac{dVr}{dr}\) et \(\frac{d^2Vr}{dr^2}\) : quand la coordonnée radiale d’un photon atteint cette valeur, le photon rejoint l’orbite limite de stabilité de coordonnée \(r_c\) égale à \(r_{c_{stab}}\), valeur de la racine triple,
– la racine quadruple nulle indique que le photon rejoint la singularité du trou noir : le point central \(r=0\) pour un trou noir de Schwarzschild ou l’orbite annulaire \(r_c=0\) pour un trou noir avec un paramètre de Kerr \(a\) non nul.
Les figures ci-dessous explicitent différents cas possibles pour un photon venant de la région asymptotique (entrant depuis \(+\infty\)), en prenant à titre d’exemple \(\bar{a}=0,95\) et des valeurs arbitraires de \(l_z\) puis de \(Q\), excepté pour la racine triple et la racine quadruple qui imposent ces valeurs.
Les exemples de tracés proprement dits de trajectoires et orbites sont fournies dans l’étude symétrie axiale.
Se référer également à la table descriptive – trou noir de Kerr ci-dessous pour l’ensemble des comportements possibles pour un photon entrant ou sortant, depuis \(+\infty\) ou non.
Note 1 : il n’existe aucune racine du potentiel \(V_r\) entre les horizons des évènements et de Cauchy car cela impliquerait un changement de sens de variation de \(r\), en contradiction de la nature temporelle de la coordonnée radiale \(r\) entre les 2 horizons.
Note 2 : le mouvement du photon n’est défini que pour des potentiels radial \(V_r\) et de colatitude \(V_{\theta}\) positifs ou nuls. Il existe donc des domaines \((r, \theta)\) « non admissibles » pour des valeurs \(a\), \(l_z\) et \(Q\) données : le photon ne peut avoir une coordonnée radiale \(r\) telle que \(V_r<0\) ou une colatitude \(\theta\) telle que \(V_\theta=Q+\cos^2\theta\left(a^2\frac{\varepsilon^2}{c^2}-\frac{l_z^2}{\sin^2\theta}\right)<0\), étant entendu que \(\theta=90^\circ\) est toujours une valeur admissible pour les valeurs positives ou nulle de \(Q\).

pas de racine > 0 : le photon rejoint le disque central (\(r=0\) et \(\theta\ne\frac{\pi}{2}\)) et entre dans l’espace négatif \(r<0\).

1 racine simple < \(\bar{r}_{Cauchy}\) et 1 racine double > \(\bar{r}_h\) -> le photon rejoint l’orbite instable \(\bar{r}_c\simeq 1,392\) :
– une instabilité externe le renvoie vers \(+\infty\),
– une instabilité interne le fait rebondir sur la racine simple \(\bar{r}_{lim}\simeq 0,034\) et le renvoie vers l’horizon des évènements avec sortie de l’univers initial.

1 racine simple et 1 racine double < \(\bar{r}_{Cauchy}\) -> le photon rejoint l’orbite instable \(\bar{r}_c\simeq 0,647\) :
– une instabilité externe le renvoie vers l’horizon de Cauchy puis l’horizon des évènements avec sortie de l’univers initial,
– une instabilité interne le fait rebondir sur la racine simple \(\bar{r}_{lim}\simeq 0,107\) et le renvoie vers l’orbite instable (le photon reste alors confiné entre les 2 racines).

1 racine double et 1 racine simple < \(\bar{r}_{Cauchy}\) : le photon rebondit sur la racine simple \(\bar{r}_{lim}\simeq 0,663\) qui le renvoie vers l’horizon de Cauchy puis l’horizon des évènements avec sortie de l’univers initial.
Si un photon est très précisément émis à la valeur de la racine double \(\bar{r}=\bar{r}_c\simeq 0,256\) avec une valeur \(\theta\) telle que \(V_\theta\ge 0\), il reste indéfiniment sur l’orbite stable \(\bar{r}_c\).

1 racine triple = \(\bar{r}_{c_{stab}}\) inférieure à \(\bar{r}_{Cauchy}\) -> le photon rejoint l’orbite limite de stabilité \(\bar{r}_{c_{stab}}\simeq 0,540\) :
– une instabilité externe le renvoie vers l’horizon de Cauchy puis l’horizon des évènements avec sortie de l’univers initial,
– sinon il reste sur l’orbite \(\bar{r}_{c_{stab}}\).

3 racines simples > 0 avec 1 inférieure à \(\bar{r}_{Cauchy}\) et 2 supérieures à \(\bar{r}_h\) : le photon rebondit sur la + grande des racines \(\bar{r}_{lim3}\simeq 1,673\) qui le fait sortir vers \(+\infty\).
Si un photon rentrant est émis avec \(r\) compris entre la racine \(\bar{r}_{lim1}\simeq 0,248\) et la racine \(\bar{r}_{lim2}\simeq 1,335\) et une valeur \(\theta\) telle que \(V_\theta\ge 0\), il rebondit sur \(\bar{r}_{lim1}\) qui le renvoie vers l’horizon des évènements avec sortie de l’univers initial.

3 racines simples > 0 et inférieures à \(\bar{r}_{Cauchy}\) : le photon rebondit sur la + grande des racines \(\bar{r}_{lim3}\simeq 0,685\) qui le renvoie vers l’horizon de Cauchy puis l’horizon des évènements avec sortie de l’univers initial.
Si un photon est émis avec \(r\) compris entre la racine \(\bar{r}_{lim1}\simeq 0,225\) et la racine \(\bar{r}_{lim2}\simeq 0,499\) et une valeur \(\theta\) telle que \(V_\theta\ge 0\), il reste confiné entre ces 2 racines.

1 racine quadruple nulle -> le photon rejoint la singularité du trou noir :
– le point central \(r=0\) suivant une trajectoire radiale pour un trou noir de Schwarzschild, ou
– l’orbite annulaire instable \(r_c=0\) suivant une trajectoire équatoriale pour un trou noir avec un paramètre de Kerr \(a\) non nul.
Dans ce dernier cas, une instabilité externe le renvoie vers l’horizon de Cauchy puis l’horizon des évènements avec sortie de l’univers initial, et une instabilité interne le fait entrer dans l’espace négatif \(r<0\).
TABLE DESCRIPTIVE – Trou noir de Kerr
La table ci-dessous répertorie les différents cas possibles \((V_r\ge 0)\) pour un photon entrant ou sortant, situé initialement dans un domaine admissible.
Les cas \(\bar{a}\in[-1, 0]\) s’obtiennent en remplaçant \(\bar{a}\) et \(l_z\) respectivement par \(-\bar{a}\) et \(-l_z\).
La signification des abréviations est donnée à la suite de la table.

Abréviations utilisées :
ā : paramètre de Kerr
domaine r0 : domaine admissible pour la coordonnée radiale initiale (potentiel radial Vr >= 0)
E : photon entrant (r décroissant)
lz : composante du moment cinétique du photon sur l’axe z de rotation du trou noir de Kerr (0 < ā <=1)
ou sur l’axe perpendiculaire au plan de la trajectoire au centre du trou noir de Schwarzschild (ā = 0)
lzstab : valeur de lz pour l’orbite limite de stabilité rc = rcstab (ā ≠ 0)
lzx- : valeur de lz pour l’orbite équatoriale prograde instable rc > rh (ā ≠ 0)
lzx+ : valeur de lz pour l’orbite équatoriale rétrograde instable rc > rh (ā ≠ 0)
lzxin : valeur de lz pour l’orbite équatoriale prograde stable rc < rCauchy (ā ≠ 0)
Q : constante de Carter
Qcrit- : valeur de Q pour l’orbite instable rc < rCauchy (ā ≠ 0) correspondant à la valeur lz
Qcrit+ : valeur de Q pour l’orbite instable rc > rh (ā ≠ 0) correspondant à la valeur lz
Qcritstab : valeur de Q pour l’orbite stable rc < rcstab < rCauchy (ā ≠ 0) correspondant à la valeur lz
Qstab : valeur de Q pour l’orbite limite de stabilité rc = rstab (ā ≠ 0) correspondant à la valeur lzstab
r0 : coordonnée radiale initiale du photon
rc : coordonnée radiale constante orbitale
rCauchy : coordonnée radiale de l’horizon de Cauchy (ā ≠ 0)
rcstab : coordonnée radiale constante de l’orbite limite de stabilité (ā ≠ 0)
rh : coordonnée radiale de l’horizon des évènements
rlim : racine positive ou nulle du potentiel radial
S : photon sortant (r croissant)
POTENTIEL EFFECTIF RADIAL – Objet de Kerr rapide
Un paramètre de Kerr tel que \(|\bar{a}|>1\) conduit à un objet de Kerr rapide (sur-critique), dépourvu d’horizons. L’existence d’un tel objet astrophysique est improbable aussi les paragraphes ci-dessous sont des descriptions mathématiques.
Le potentiel effectif radial \(V_r\) d’un objet de Kerr rapide comporte le même type de racines que celles décrites pour le trou noir de Kerr (voir plus haut).
La seule différence consiste en l’absence d’horizon de Cauchy et d’horizon des évènements ce qui notamment ne permet pas au photon de quitter l’univers initial.
Les figures ci-dessous sont équivalentes à celles présentées plus haut pour différents cas possibles d’un photon venant de la région asymptotique (entrant depuis \(+\infty\)), en prenant à titre d’exemple \(\bar{a}=1,5\) et des valeurs arbitraires de \(l_z\) puis de \(Q\), excepté pour la racine triple et la racine quadruple qui imposent ces valeurs.
Se référer également à la table descriptive – objet de Kerr rapide ci-dessous pour l’ensemble des comportements possibles pour un photon entrant ou sortant, depuis \(+\infty\) ou non.
Le domaine admissible \(r,\theta\) pour des valeurs \(a\), \(l_z\) et \(Q\) données est défini comme pour le trou noir de Kerr, à savoir par \(V_r\ge 0\) et \(V_\theta\ge 0\).

pas de racine > 0 : le photon rejoint le disque central (\(r=0\) et \(\theta\ne\frac{\pi}{2}\)) et entre dans l’espace négatif \(r<0\).

1 racine simple et 1 racine double -> le photon rejoint l’orbite instable \(\bar{r}_c=3\) :
– une instabilité externe le renvoie vers \(+\infty\),
– une instabilité interne le fait rebondir sur la racine simple \(\bar{r}_{lim}\simeq 0,967\) et le renvoie vers l’orbite instable (le photon reste alors confiné entre les 2 racines).

1 racine double et 1 racine simple : le photon rebondit sur la racine simple \(\bar{r}_{lim}\simeq 5,454\) qui le renvoie vers \(+\infty\).
Si un photon est très précisément émis à la valeur de la racine double \(\bar{r}=\bar{r}_c\simeq 1,413\) avec une valeur \(\theta\) telle que \(V_\theta\ge 0\), il reste indéfiniment sur l’orbite stable \(\bar{r}_c\).

1 racine triple = \(\bar{r}_{c_{stab}}\) -> le photon rejoint l’orbite limite de stabilité \(\bar{r}_{c_{stab}}\simeq 2,077\) :
– une instabilité externe le renvoie vers \(+\infty\),
– sinon il reste sur l’orbite \(\bar{r}_{c_{stab}}\).

3 racines simples > 0 : le photon rebondit sur la + grande des racines \(\bar{r}_{lim3}\simeq 4,940\) qui le fait sortir vers \(+\infty\).
Si un photon rentrant est émis avec \(r\) compris entre la racine \(\bar{r}_{lim1}\simeq 1,022\) et la racine \(\bar{r}_{lim2}\simeq 1,968\) et une valeur \(\theta\) telle que \(V_\theta\ge 0\), il rebondit sur \(\bar{r}_{lim1}\), et le photon reste alors confiné entre les deux racines.

1 racine quadruple nulle -> le photon rejoint la singularité du trou noir :
– le point central \(r=0\) suivant une trajectoire radiale pour un trou noir de Schwarzschild, ou
– l’orbite annulaire instable \(r_c=0\) suivant une trajectoire équatoriale pour un trou noir avec un paramètre de Kerr \(a\) non nul.
Dans ce dernier cas, une instabilité externe le renvoie vers l’horizon de Cauchy puis l’horizon des évènements avec sortie de l’univers initial, et une instabilité interne le fait entrer dans l’espace négatif \(r<0\).
TABLE DESCRIPTIVE – Objet de Kerr rapide
La table ci-dessous répertorie les différents cas possibles \((V_r\ge 0)\) pour un photon entrant ou sortant, situé initialement dans un domaine admissible.
Les cas \(\bar{a}\in]-\infty, 1[\) s’obtiennent en remplaçant \(\bar{a}\) et \(l_z\) respectivement par \(-\bar{a}\) et \(-l_z\).
La signification des abréviations est donnée à la suite de la table.

Abréviations utilisées :
ā : paramètre de Kerr
domaine r0 : domaine admissible pour la coordonnée radiale initiale (potentiel radial Vr >= 0)
E : photon entrant (r décroissant)
lz : composante du moment cinétique du photon sur l’axe z de rotation de l’objet de Kerr
lzstab : valeur de lz pour l’orbite limite de stabilité rc = rcstab
lzx+ : valeur de lz pour l’orbite équatoriale rétrograde instable
Q : constante de Carter
Qcrit : valeur de Q pour l’orbite instable rc > rcstab correspondant à la valeur lz
Qcritstab- : valeur de Q pour l’orbite stable rc < 1 correspondant à la valeur lz
Qcritstab+ : valeur de Q pour l’orbite stable 1 < rc < rcstab correspondant à la valeur lz
Qstab : valeur de Q pour l’orbite limite de stabilité rc = rcstab correspondant à la valeur lzstab
r0 : coordonnée radiale initiale du photon
rc : coordonnée radiale constante orbitale
rcstab : coordonnée radiale constante de l’orbite limite de stabilité
rlim : racine positive ou nulle du potentiel radial
S : photon sortant (r croissant)